L'AUTRE SAINTE-HÉLÈNE
L'autre Sainte-Hélène - The other St. Helena

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LE MASQUE MORTUAIRE DIT "MALMAISON"


Le chapitre "Burton" de l'ouvrage "L'autre Sainte-Hélène" est consacré à l'affaire du masque mortuaire. Le lecteur est invité à le lire au préalable, ceci pour éclairer le propos de cet article.
En complément, les faits concernant cette affaire sont exposés de façon chronologique sur ce site à la page sur les masques mortuaires de Napoléon

Le docteur Antommarchi, une fois arrivé à Londres, put reprendre possession de ses bagages parmi lesquels se trouvait la caisse qui renfermait le moule positif de la face de Napoléon. Bertrand lui demanda de créer un masque mortuaire en plâtre afin de l'envoyer à Madame Mère à Rome. Antommarchi a donc dû recomposer un masque complet, y compris une partie de la tête, en utilisant le moule positif et en le complétant par un ajout crânien, fait de mémoire, pour remplacer la pièce manquante qui, on le supposait, était restée en possession du docteur Burton après qu'il l'eût saisie à Longwood. Cette opération a été réalisée avec l'avis et l'accord de Bertrand. Et, pour éviter tout risque de perte en cours d'expédition à Rome, Bertrand demanda à Antommarchi de réaliser une autre copie qu'il garderait en lieu sûr à Londres, au cas où celle expédiée à Rome viendrait à se perdre.

Masque Bertrand
Masque Bertrand, Londres 1821

A l'intérieur du masque "Bertrand", Antommarchi apposa une inscription de sa main:
A l'impareggiabile
merito di
Madame Bertrand
Antommarchi
27 agosto 1821
Traduction: Au mérite sans pareil de Madame Bertrand, Antommarchi, 27 août 1821

Intérieur du masque Bertrand
Inscription à l'intérieur du masque Bertrand

Mis à part le masque envoyé à Rome, et celui de secours déposé auprès de Bertrand, il est possible qu'Antommarchi ait fait une autre copie que Bertrand aurait envoyée à Joseph Bonaparte en Amérique, comme étant le frère aîné de Napoléon, et donc le chef de la famille Bonaparte. Un tel masque a été répertorié parmi les collections du musée de Malmaison. Cependant il nous paraît improbable que Bertrand aurait permis de réaliser plus que le masque destiné à Madame Mère, mise à part la copie de secours qu'il a jugé prudent de faire. Car il avait juré sur l'honneur, devant un juge de Bow Street, en septembre 1821, que "le" masque mortuaire de Napoléon serait envoyé à sa mère. C'est sur cette condition que le juge a pu classer l'affaire et débouter le docteur Burton de sa demande d'obtenir le masque original ou une bonne copie, comme les Bertrand le lui avaient promis à Sainte-Hélène. Si Bertrand avait autorisé Antommarchi a réalisé plusieurs copies en août 1821, il eut été plus raisonable d'impliquer Burton dans cette opération, en aide à Antommarchi, et de lui remettre une des copies. Ceci aurait évité les désagréments.

Quant à l'original, c'est-à-dire le moule fabriqué par Antommarchi à partir du masque facial et des ajouts crâniens qu'il a dû réaliser, le docteur le garda, comme sa pièce d'ouvrage, et la fit expédier avec ses bagages au port de Livourne en Toscane, là où il devait se rendre pour reprendre ses affaires où il les avait laissées depuis son départ pour Sainte-Hélène deux ans et demi auparavant. Dans son ouvrage de 1825, Les derniers momens de l'Empereur Napoléon, il avait avec raison écrit: "Je restai possesseur du masque que je conserve religieusement." Par "le masque", il faut entendre celui originel fait à Londres, en combinant la partie faciale faite par Burton et des ajouts d'Antommarchi pour la partie crânienne, et qui servit à réaliser les copies sus-mentionnées.

Le masque expédié à Rome est bien arrivé sans encombre chez Madame Mère et le cardinal Fesch en eut la garde. Son biographe, l'abbé Lyonnet, en fit état dans son ouvrage (cf. L'autre Sainte-Hélène, page 367). Ce buste a dû continuer à être en possession de la famille Bonaparte, notamment par le chef de la dynastie, et passa notamment par les mains du Prince Victor. Puis, selon des sources, ce masque avait été offert au Musée de l'Armée, du temps où le général Exelmans en était le gouverneur, et où il se serait brisé. Quoique... il s'agit sûrement d'une légende car aucun Exelmans n'a été gouverneur des Invalides selon la liste de ceux-ci.

Quant la copie de secours faite pour Bertrand, le grand-maréchal la récupéra par la suite et elle resta en sa possession. A sa mort, suivant sa volonté, sa fille Hortense, épouse Brayer, en a fait don au Prince Victor. Ce masque se trouve aujourd'hui dans les collections du Musée de l'Armée à Paris, et il n'est pas brisé !

Hortense Bertrand Brayer
Hortense Brayer, née Bertrand

D'après Gérard Azémar, un descendant d'Antommarchi, mise à part les copies Madame Mère et Bertrand, d'autres copies avaient été réalisées, ce dont nous doutons pour les raisons évoquées précédemment:

- une pour le sculpteur Canova qui fut restituée à Madame Mère, qui l'offrit au Baron Larrey: ce masque aurait été exposé à la chapelle Saint-Louis des Invalides où il a été volé; un autre masque était supposé avoir été envoyé à Canova, mais son histoire est frauduleuse (voir le masque Burghersh); il se pourrait que cette autre version Canova soit  elle aussi fausse, et que le masque ayant appartenu au Baron Larrey aurait simplement été un exemplaire de la souscription 1833

- une pour Marie-Louise, qui deviendra le masque "Baden" ou "Lebendmaske": cependant, compte tenu de la très faible ressemblance de ce masque avec un masque de type Antommarchi, cette version semble peu plausible

Quant au moulage fabriqué par Antommarchi, il a ensuite servi à réaliser un moule "industriel" qui permit de reproduire plusieurs copies en bronze et en plâtre pour la souscription de 1833. Antommarchi conserva cette nouvelle copie parmi ses souvenirs. Lorsqu'il décida de quitter la France en septembre 1834, il fit expédier en Corse tous ses souvenirs napoléoniens à son frère Domingo (Dominique) qui vivait dans leur ville natale, Morsiglia, dans la maison même du docteur. Antommarchi arriva à la Nouvelle-Orléans en fin 1834. Puis, il se rendit auprès d'un cousin à Cuba, Antoine Antommarchi, propriétaire de plantations de café, et il mourut le 2 avril 1838 à Santiago de Cuba.

A Paris, la société de fonderie de 1833 fut rachetée par une autre, Susse Frères, après quelques années. On procéda à la fabrication d'une nouvelle série de masques en bronze et en plâtre et, pour ce faire, on fabriqua un autre masque industriel qui servit à cette reproduction. Ce masque a ensuite été acheté en 1841 par Démidoff pour la collection napoléonienne qu'il conservait et exposait dans son musée de l'île d'Elbe. A la mort de Démidoff, sa collection fut dispersée par son neveu, héritier, et le masque a été acheté aux enchères par Lord Rosebery, l'auteur du fameux livre La dernière phase. Ensuite, il fut acheté par Octave Aubry auprès d'un antiquaire qu'il l'avait acquis aux enchères faites à la mort de Rosebery en juillet 1933 (centenaire de la souscription!): il se trouverait donc aujourd'hui dans une collection privée. Ce masque porte une couleur jaunâtre prononcée qui viendrait de la cire utilisée dans le procédé de reproduction, d'après sa description.

Masque Démidoff
Masque Démidoff (source photo: d'Hautpoul)

L'odyssée du masque Antommarchi, fabriqué à Londres en août 1821, est ensuite expliqué par les membres de la famille Antommarchi qui ont publié quelques essais sur cette question. Au décès de Dominique, en 1868, on trouva un testament rédigé de sa main par lequel il léguait tous ses biens à son demi-frère, José-Maria, qui vivait alors à Caracas au Vénézuéla. José-Maria vint en Corse en 1869 pour prendre possession de l'héritage familial, dont le masque mortuaire. Les affaires furent ainsi expédiées à Caracas. José-Maria, qui avait connu son demi-frère Antommarchi à Port-au-Prince à Cuba en 1837, un peu avant sa mort, a cependant voulu accomplir la volonté de celui-ci en offrant le masque au chef de la famille Bonaparte, c'est-à-dire Napoléon III à cette époque. Une correspondance officielle eut lieu à ce sujet entre José-Maria, l'ambassade de France au Vénézuela et la maison impériale à Paris. Mais la guerre de 1870 viendra contrecarrer ses plans, et le masque resta en possession de la famille Antommarchi.

José-Maria fit publier en 1873 par un ami, le docteur Aristide Rojas, une notice expliquant l'origine du masque, où il déclarait être en outre en possession du moule qui avait été utilisé par le fondeur de la souscription 1833. Cette notice indiquait contenir les pièces suivantes:
- le masque original de Napoléon (celui fabriqué à Londres en août 1821, à partir du moule facial de Burton de mai 1821)
- l'ébauche du premier masque qui servit pour faire couler le moule en bronze (celui utilisé par le fondeur de 1833)
- le masque de bronze (une des premières copies sorties en 1833: Antommarchi en avait pris deux avec lui en quittant la France; et il offrit l'une de ces copies à la ville de la Nouvelle-Orléans, où elle figure toujours dans le musée municipal, et la seconde fut probablement offerte à Cuba après sa mort car on la trouve aujourd'hui au Museo Napoleonico à La Havane)

Buste Nouvelle-Orléans
Masque en bronze de la Nouvelle-Orléans
(une des deux copies personnelles d'Antommarchi issues de la souscription de 1833)


José-Maria émigra à Bogota en Colombie en 1884. Plus tard, en 1905, sa fille Elisa se maria avec un Français, un certain Azemar, de Saint-Gaudens près de Tarbes, et rapporta le masque en France, qu'il n'aurait jamais dû quitter. Leur fils, Edouard, le mit en dépôt auprès du Musée de Malmaison en 1921 (lors des célébrations du centenaire de la mort de Napoléon), puis la pièce fut définitivement acquise par ce musée en 1944.

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