L'AUTRE SAINTE-HÉLÈNE
L'autre Sainte-Hélène - The other St. Helena

ARTICLES COMPLÉMENTAIRES
| Accueil | The other St. Helena | Articles |






LES JARDINS DE LONGWOOD


(Vendredi) 2 octobre 1818.
Aujourd'hui, les maçons ont commencé la nouvelle maison à Longwood, avec l'intention qu'elle devienne la future demeure de Napoléon. Il n'y a eu aucune cérémonie pour la pose de la première pierre. (source: Journal de Nicholls, l'officier d'ordonnance à Longwood, Lowe Papers ADD 20210)

Ce fut ce vendredi-là, 2 octobre 1818, que les travaux de la nouvelle maison débutèrent. L'ordre avait été donné, depuis 1815, de construire une demeure adéquate pour le "Général Buonaparte" compte tenu que les autorités savaient qu'il n'y en avait pas dans l'île, mise à part Plantation House (la maison officielle du Gouverneur), pour héberger Napoléon et tous ses compagnons de captivité. Les journaux anglais de l'époque parlaient d'un nouveau "palais" qu'on allait construire sur place. Pour Napoléon, qui en avait eu l'écho par la presse, une telle construction signifait une détention à vie dans cette "île des brouillards", comme il l'appelait. Il était naturellement réticent à même en discuter l'idée. Or, dès son entrée en fonction en avril 1816, le gouverneur Sir Hudson Lowe s'était attaché à savoir où et comment construire cette maison, ceci pour exécuter ses ordres. Ses premières rencontres à Longwood causèrent de vives échanges. Un point de non-retour fut vite atteint en quelques semaines entre le geôlier et son prisonnier qui, depuis lors, ne se parlaient plus que par personne interposée, dont le docteur O'Meara. Ce dernier avait fait de son mieux, au fil des mois, pour rapprocher les deux antagonistes, mais sans succès. Avec le temps, Napoléon ne s'opposait plus vraiment à un déménagement, à cause des nombreux inconvénients de son habitation, mais avait souhaité que cette nouvelle maison soit construite dans une partie ombragée de l'île, là où elle pouvait être à l'abri des vents qui balayaient le plateau de Longwood, et du soleil ardent lorsqu'il ne pleuvait pas. Mas des querelles constantes entre Longwood et Plantation House ne permirent pas de faire avancer les choses. Puis, à l'automne 1817, Napoléon commença à éprouver des soucis de santé: O'Meara redoutait une maladie du foie qui semblait être "endémique" à l'île de Sainte-Hélène car beaucoup de monde en souffrait. De fait, ses propres rapports avec le Gouverneur prirent un mauvais tournant et il devenait évident que le docteur irlandais devenait gênant. Il fallait s'en débarrasser sans paraître odieux devant l'opinion, comme ayant retiré au captif malade son médecin personnel. Le coup de main allait venir du général Gourgaud: en quittant Longwood non sans humeur en début 1818, il eut des conversations malheureuses au cours desquelles il déclara à tout venant, et répéta dans le cabinet du ministre Lord Bathurst à Londres quelques semaines plus tard, que le docteur O'Meara se payait leur tête, que Napoléon n'était pas plus malade alors qu'auparavant. C'était la goutte qui fit déborder le vase: le Ministre ordonna sur le champ l'expulsion d'O'Meara, et l'ordre allait arriver à l'île de Ste-Hélène vers la fin de juillet 1818. La tension était alors à son comble entre geôliers et captifs car Longwood voulait faire expulser le nouvel officier d'ordonnance, et un échange de cartels eut lieu entre lui, Bertrand et le gouverneur Hudson Lowe ! Ce fut à ce moment que l'on expulsa O'Meara... Par ailleurs, Gourgaud ayant aussi affirmé que Napoléon pouvait s'échapper quand il le voulait et que seul le site de Longwood lui paraissait adéquat à la surveillance, Lord Bathurst insista pour que les travaux de la nouvelle maison puissent être aussitôt ntrepris sur le même périmètre. Il fallait donc commencer les travaux, au sein du domaine venté de Longwood, à la vue et au nez du captif, et sans autre concertation avec celui-ci.

Les matériaux envoyés d'Angleterre depuis 1816 s'étaient accumulés au fur et à mesure dans les entrepôts de Jamestown. Les beaux meubles destinés à la nouvelle maison de Napoléon avaient, eux, été pour la plupart détournés et utilisés dans les demeures du Gouverneur et de ses plus proches collaborateurs, surtout ceux qu'il souhaitait récompenser pour "bonne conduite". O'Meara dénonça de tels abus et cette corruption rampante (voir ouvrage en anglais de l'auteur, Inside Longwood) mais ceci restait sans effet à Londres: on souhaitait plutôt faire oublier l'existence même du "prisonnier de l'Europe".

Quand la première pierre fut posée sous son nez en début octobre 1818, alors que son médecin lui avait été retiré et qu'il était encore souffrant, Napoléon jugea sans doute qu'il lui fallait de nouveau "entrer en campagne" contre les autorités anglaises, son adversaire de toujours. On lui construisait une maison à une centaine de pas de chez lui? Alors lui allait leur montrer qu'il comptait bien "s'enraciner" dans son vieux Longwood et que l'on ne l'en délogerait pas, sauf par la force. Comment faire? Occuper le plus possible son "territoire" et fixer les limites d'un espace privé le plus grand possible. De plus, en restant sur place, il fallait bien aussi trouver une solution au vent et à la chaleur. Ainsi commença ce qui fut peut-être "la dernière campagne" de Napoléon, celle où il partit à la conquête de son indépendance vis à vis de ses geôliers envahissants, en marquant son terrain de liberté par des jardins tout autour de sa misérable bâtisse infestée par les rats et les cousins. De surcroît, voyant bien que son état de santé se détériorait, et se trouvant sans médecin par la force des choses, Napoléon avait dû décider que cette entreprise au grand air l'aiderait à se rétablir.

Napoléon jardinier
Napoléon s'adonne au jardinage

Saint-Denis, le mameluk Ali, raconte:
Depuis longtemps, il s'était abstenu de toute excursion au-delà de l'enclos de Longwood, pour ne pas donner sujet au Gouverneur de lui faire éprouver de nouvelles vexations. Pour compenser un peu ce défaut d'exercice extérieur, il jugea que le jardinage était ce qui convenait le mieux à son état de réclusion. Dès lors, il ne fut plus question que de jardins: tout le corps de bâtiment qu'il habité en fut entouré. Ce furent les modèles de fortifications qui lui donnèrent cette idée, et puis il voulait avoir sous la main des fruits, des légumes; il voulait avoir quelques allées ombragées; il voulait éloigner les sentinelles de ses fenêtres, etc. (source: Souvenirs sur l'Empereur Napoléon)

Le terme de "fortifications" employé par Ali n'était pas ici de trop, vu le contexte.

Des marins venus voir Napoléon en début 1818
Des marins venus voir Napoléon en début 1818 (Horace Vernet)


Comment furent conçus ces nouveaux jardins de Longwood ?

Pour lire la suite, cliquez ici


Haut de page





Copyright © Albert Benhamou Publishing 2010-2012  - Tous droits réservés.